MÔME : L'exploration du traumatisme à travers un thriller
Comment un traumatisme aussi intense que la perte d'un enfant peut-il pousser quelqu'un à commettre des actes irrationnels ?
- campus Lyon
- thème Actu école
- date 29.01.2025
Plongée dans l’inconscient : MÔME, l’exploration du traumatisme à travers un thriller psychologique
Le film MÔME, réalisé par Juliette Scornet et Anaïs Nativel, invite à une exploration profonde des conséquences psychologiques d’un traumatisme violent. Au cœur de l’histoire se trouve Sandra, une femme qui perd son enfant à la naissance et réagit de façon incontrôlable à cet événement dévastateur, en kidnappant un bébé à la maternité. Ce geste irrationnel et choquant est au centre du film, qui tente de mettre en lumière ce que peut être une réponse psychotique à un traumatisme aussi extrême.
Un traumatisme, des réactions irrationnelles
Le film cherche à répondre à une question complexe : comment un traumatisme aussi violent que la perte d’un enfant peut-il conduire une personne à des actes irrationnels ? La réponse réside dans l’état de névrose ou de psychose traumatique, un mécanisme de défense qui peut amener une victime à vivre des épisodes dissociatifs. Ces états de conscience modifiés servent à soustraire l’individu de la violence émotionnelle de la situation vécue.
Sandra, tout au long du film, passera par des états de déréalisation, où le monde autour d’elle ne semble plus réel, et de dépersonnalisation, où elle se sent déconnectée d’elle-même. Ces expériences mentales, bien que profondément perturbantes, servent de réponse à un traumatisme que son esprit peine à digérer. Le film incite le spectateur à s’interroger : est-il possible de condamner pleinement ces actes, alors qu’ils sont le résultat d’un désespoir profond et psychologiquement complexe ?
L’empathie face à l’impensable
À travers l’histoire de Sandra, les réalisatrices veulent provoquer une réflexion chez le spectateur : jusqu’où un traumatisme peut-il conduire une personne à agir ? Est-il possible d’éprouver de l’empathie pour une personne qui a commis l’impensable ? Ces questions sont essentielles dans MÔME, un film qui ne se contente pas de présenter un acte criminel, mais qui invite le public à s’interroger sur les racines profondes de ce geste.
Le film pousse également à la réflexion sur le désir de maternité : jusqu’où cette envie intense de devenir mère peut-elle mener ? Et est-ce que l’empathie peut être ressentie pour quelqu’un qui a perdu son contrôle à cause de ce désir insatiable ?
Le thriller psychologique et la course-poursuite : une mise en scène du traumatisme
La réalisation de MÔME se distingue par son utilisation d’un motif très cinématographique : la course-poursuite. Mais ici, il ne s’agit pas simplement d’un effet de style pour augmenter le rythme du film. Cette scène de poursuite en voiture sert à plonger immédiatement le spectateur dans le thriller psychologique. L’objectif est de créer une atmosphère oppressante, stressante et angoissante, de manière à ce que le spectateur soit immergé dès les premières secondes dans l’esprit de la protagoniste.
L’exemple de la scène de voiture dans La Nuit nous appartient de James Gray a été une source d’inspiration pour les réalisatrices. Ce type de scène traduit parfaitement le sentiment de tension et de claustrophobie que l’on veut imposer au spectateur. D’un point de vue psychologique, la voiture devient un véritable huis clos, un espace clos et angoissant qui permet de symboliser le confinement mental de Sandra, enfermée dans ses idées et dans son déni.
En parallèle, l’utilisation des plans serrés sur Sandra, par opposition aux plans plus larges sur le personnage masculin, permet de souligner la déconnexion de Sandra avec la réalité. Tandis que l’homme, toujours lié au monde réel, est filmé de manière plus vaste et détachée, Sandra se retrouve dans une réalité où tout semble se disloquer autour d’elle.
La course-poursuite comme miroir de la psyché
La course-poursuite, par sa nature fictionnelle et souvent présente dans les films d’action, prend ici une dimension symbolique forte. Elle permet de montrer visuellement et narrativement l’état de déconnexion que vit Sandra, en contrastant l’énergie désordonnée de ses actions avec la lucidité du père. Ce décalage entre les deux personnages amplifie la tension psychologique et la dramatisation de la situation.
La voiture devient le terrain de cette déconnexion, un espace clos où les pulsions incontrôlées de Sandra se heurtent à la réalité, symbolisée par le père. C’est là toute la force du film : faire ressentir au spectateur l’impact émotionnel du traumatisme à travers des choix de mise en scène intenses et évocateurs.
Un film de réflexion et de tension
MÔME n’est pas seulement un thriller psychologique palpitant, c’est aussi un film de réflexion, qui invite à remettre en question nos perceptions sur la maternité, la psychologie humaine et l’empathie. En nous plongeant dans un univers tendu et oppressant, les réalisatrices parviennent à offrir une perspective profondément humaine sur un acte tragique. Au-delà du thriller, MÔME devient ainsi une méditation sur la souffrance psychologique et ses conséquences.
Loin de se limiter à un simple drame, ce film propose une exploration profonde du lien entre l’esprit humain et la souffrance, mettant en lumière la fragilité de notre psychologie face à l’irrationnel et au traumatisme.